On cherche tous une vie sans regret, qui repose sur deux piliers :
- Le sentiment d’avoir des droits : on a tous des besoins. Si on ne dit pas ce qu’on veut et qu’on n’attend pas d’aide de l’extérieur, on va souffrir énormément parce que nos besoins ne seront pas satisfaits.
- L’audace : on a tous des rêves. Avoir l’impression de ne nulle part et que notre situation ne s’améliorera jamais rend la vie insupportable. On cherche naturellement à se dépasser et à évoluer. On a besoin d’exprimer notre créativité, notre ambition et notre courage dans la poursuite de nos grandes visions.
L’audace et le sentiment d’avoir des droits : voilà les deux composantes d’un narcissisme sain.
Mais qu’est-ce qui distingue le narcissisme sain du narcissisme malsain ? Aucune personne sensée n’aime les enfants gâtés qui marchent sur les autres, et presque personne n’aime ceux qui se prennent pour le nombril du monde et qui utilisent les autres à leur profit.
Ce qui ancre et nourrit le narcissisme sain, ce sont deux choses qui manquent au narcissisme malsain : la honte et le sens des réalités.
La honte : un pour tous, tous pour un
Les gens en bonne santé ressentent de la honte quand ils déçoivent quelqu’un qu’ils aiment, quand ils ne répondent pas aux attentes ou quand ils se jugent « inférieurs » à quelqu’un d’autre.
Dans le pire des cas, la honte est ce sentiment brûlant d’être une mauvaise personne qui doit se cacher dans un trou sombre, d’être défectueux et indigne d’amour. La honte malsaine est souvent retournée contre nous par les agresseurs et nous oblige à « rester dans notre voie ». Cette voie devient rapidement une boîte oppressante qui tue nos rêves et nous dit que nous sommes illégitimes et indignes de voir nos besoins satisfaits.
D’un autre côté, la honte saine nous aide à respecter les limites, les sentiments et les droits des autres. On peut se sentir dignes d’avoir nos besoins satisfaits, mais en même temps, notre honte nous rappelle que la personne qui répond à ces besoins n’est pas un objet à utiliser ou notre esclave — c’est un être humain comme nous, qui a aussi des besoins.
Une honte saine crée un sentiment d’appartenance à une tribu en nous et nous pousse à répondre aux besoins de ceux qu’on aime. La honte crée un va-et-vient harmonieux et rythmé entre les membres de la tribu et de la famille, qui assure la prospérité collective de tous.
Lorsque les membres d’une tribu répondent aux besoins les uns des autres, ils acquièrent une haute estime de soi et un bien-être. En d’autres termes, une honte saine engendre un narcissisme sain.
La réalité fait le bilan
Les personnes atteintes d’un trouble de la personnalité narcissique (TPN) se situent à l’extrémité du spectre narcissique. Toute leur personnalité repose sur le besoin d’être supérieur, ainsi que sur la recherche addictive d’un approvisionnement narcissique à tout prix.
Le traumatisme infantile du narcissique est si grand qu’il a renié sa honte et vit désormais dans un monde fantastique semi-dissocié. Ils manipulent les gens autour d’eux pour les nourrir d’approvisionnement narcissique via la manipulation et la création d’une réalité fantastique qui promet de satisfaire les besoins de la personne ciblée (mais qui, en fin de compte, ne le fait jamais).
Au fil du temps, les gens comprennent comment le narcissique les instrumentalise. Un par un, ils quittent la vie du narcissique pour quelque chose de plus terre-à-terre et de plus réel, ou le narcissique les écarte pour ne pas avoir joué le jeu du fantasme.
Les gens sains d’esprit donnent aux autres le bénéfice du doute. Ils partent du principe que les gens jouent franc jeu. Au fil des années, quand la vérité éclate, la « bonne volonté » dont jouit le narcissique auprès des gens sains d’esprit s’épuise, et il ne reste plus que son faux soi en faillite. À l’approche de la fin de leur vie, ils réalisent avec effroi qu’ils n’ont rien de réel à montrer. À mesure que la puissance du fantasme s’estompe, la réalité reprend lentement le dessus. Le narcisiste réalise que sa grandiosité était scindée de la réalité et que le monde a continué sans lui.
Combler le fossé entre le fantasme et la réalité
Tous les rêves commencent par un fantasme, un produit de notre imagination. Pourtant, ceux qui ont une honte saine et un respect sain pour la réalité peuvent réaliser leur rêve brique par brique dans le monde réel.
Quand le clivage entre fantasme et réalité est total, on est voué à la catastrophe. Quand une personne avec un narcissisme sain lutte pour réaliser son rêve, elle regarde plus loin dans le monde pour trouver un moyen d’y arriver. Dans certains cas, elle abandonne une partie de ce rêve ou le transforme en quelque chose de plus approprié. Surtout, le narcissisme sain accueille l’échec comme un mécanisme de rétroaction permettant d’ajuster et d’améliorer ses actions.
Les rêves peuvent devenir réalité, et la réalité peut changer. Mais ça passe par une remise en question constante et une honte saine. Il s’agit de connaître et de respecter ses limites et celles de son entourage, et de travailler dans ce cadre réel en l’évoluant petit à petit.
Surtout, la personne avec un narcissisme sain respecte ceux qui l’aident à réaliser ses rêves. En retour, elle aide les autres à réaliser leurs propres rêves. Elle fait preuve d’empathie envers les autres, répond à leurs besoins et participe à un échange sain. Une personne avec un narcissisme sain n’est pas dépendante d’un approvisionnement narcissique et n’exploite pas les gens autour d’elle ou ne les maltraite pas constamment. Du coup, les gens tirent profit de la présence de cette personne saine dans leur vie, et la relation qui en résulte évolue au fil des ans au lieu de se faner et de mourir.
Traumatisme : une rupture avec la honte et la réalité
La réalité et la honte n’ont pas été tendres avec le narcissique. Le narcissique a grandi sans être vu pour ce qu’il était. Il a été instrumentalisé, attaqué, ridiculisé et soumis à des normes impossibles à atteindre. Il a été continuellement humilié, et sa réalité était un véritable enfer. Par conséquent, pour faire face et survivre, il s’est scindé de la réalité et a renié sa honte, s’appuyant plutôt sur son faux soi grandiose et dissocié.
La plupart d’entre nous se situent quelque part au milieu du spectre narcissique. On oscille entre se rabaisser inutilement et se gonfler de manière fantastique et irréaliste.
Dans notre quête d’un narcissisme sain, on peut apprendre beaucoup des narcissiques. On peut se concentrer sur la guérison, la libération des traumatismes et apprendre à satisfaire nous-mêmes nos besoins centraux. On peut pratiquer la pleine conscience et la méditation, et développer notre curiosité pour le potentiel qui est en nous tout en coopérant avec les autres et en gardant à l’esprit leur humanité.
Être une lumière brillante
Deux expressions qui nous paralysent souvent sont : « Ça a toujours été comme ça » et « Ils pourraient se fâcher ». Une telle mentalité renverse votre pouvoir et garantit la stagnation, le malheur et la dépression, voire la maladie physique.
Le statu quo doit être respecté et remis en question. Les anciennes méthodes ne fonctionnent peut-être plus. La croissance de la société peut nécessiter de nouvelles solutions. Pour cela, nous devons voir grand et avoir l’audace de croire que nous pouvons réaliser l’impossible.
Les agresseurs retournent ta honte contre toi. Le « syndrome de la grande poppy » est l’outil de prédilection des personnes amères qui haïssent voir les autres réussir.
La grandiosité est la croyance que tu es meilleur que tout le monde. La grandeur est la croyance que tu as un noyau divin et qu’il est de ton devoir de soutenir ce noyau afin qu’il s’épanouisse et se développe pleinement.
Nous sommes destinés à briller, non pas en réponse à un sentiment profond d’infériorité et d’indignité, mais plutôt comme une conséquence naturelle de notre condition humaine.
Atteindre un narcissisme sain est une lutte constante entre nos pulsions les plus sombres et notre humanité. Mais si on gagne cette guerre, on peut regarder en arrière avec un profond sentiment de satisfaction et de sens.
On peut quitter ce monde en sachant qu’on l’a rendu un tout petit peu meilleur.