La relation narcissique/codépendante se caractérise par l’absence de limites saines. Avec le temps, les deux personnes dans la relation codépendante perdent le sens de la séparation et ne font plus qu’un. À cause de leur besoin naturel d’autonomie, chacune agit de manière dysfonctionnelle pour essayer de trouver un équilibre entre liberté et sécurité.
En plus, comme ce genre de relation n’a pas de limites, la manipulation et le contrôle sont omniprésents, car personne ne sait où est le haut, ni quels sont ses propres besoins et ceux de l’autre. Ça mène à ce qu’on appelle la danse de la relation narcissique/codépendante.
Le champ de bataille de la relation narcissique/codépendante
Incapable de trouver seul l’équilibre intérieur et la confiance en soi, le codépendant développe une dépendance excessive aux relations pour se réguler et définir qui il est. C’est la recette du désastre, où s’ensuit une lutte pour ce sentiment insaisissable de sécurité et d’amour.
En effaçant complètement les limites, le codépendant espère fusionner avec la personne qu’il aime et avoir un accès constant à elle.
Du coup, le codépendant oublie où il s’arrête et où commence l’autre. Cette façon douloureuse et dysfonctionnelle d’être en relation est au cœur de la codépendance, et elle empire à l’infini quand le codépendant s’associe à un narcissique.
Traits de la relation narcissique/codépendante
Comme l’intimité implique une certaine vulnérabilité, le risque d’être blessé est trop grand pour le codépendant et son partenaire narcissique, qui réagit d’une manière qui nuit à leur relation.
Voici quelques traits caractéristiques d’une relation narcissique/codépendante :
- Le codépendant se jette anxieusement dans la relation, tandis que le narcissique prend ses distances.
- Le codépendant dirige son amour vers l’extérieur, vers le narcissique, tandis que le narcissique dirige son amour vers l’intérieur, vers lui-même, sous forme de grandiosité.
- Le codépendant a souvent les yeux écarquillés et est collant, tandis que le narcissique est distant et semble arrogant.
- Le codépendant a tendance à se dévaloriser, tandis que le narcissique se survalorise.
Le codépendant dépend trop de la relation pour réguler son estime de soi et son sentiment de sécurité. Comme il a l’impression d’avoir plus besoin du narcissique que le narcissique n’a besoin de lui, il a tendance à se donner à outrance et à se sacrifier, dans l’espoir que ça convaincra le narcissique de répondre à ses besoins.
Le codépendant supporte généralement le comportement abusif et destructeur du narcissique, trop terrifié à l’idée de le perdre et de se retrouver seul. La relation est la seule chose qui empêche le codépendant de sombrer dans son état chaotique intérieur, où la paranoïa, la panique et la dérégulation émotionnelle l’attendent.
Les intentions cachées du codépendant
Même si, en apparence, le codépendant semble simplement gentil et généreux, cette personnalité cache un côté plus sombre. Derrière sa soumission, le codépendant est passif-agressif et exigeant. En sacrifiant tout pour la relation, le codépendant crée un contrat caché avec son partenaire narcissique :
Je te donnerai tout sans condition, et tu m’aimeras sans condition.
Le codépendant s’appuie sur le narcissique, peu importe comment il est traité. Il serre les dents et refoule sa douleur de ne pas être vu ou « respecté » pour ce qu’il fait, souriant contre vents et marées pour maintenir son apparence « parfaite » et apaisante. Ce faisant, le codépendant s’assure que le narcissique le prend pour acquis et n’est jamais responsable de ses actes.
Même dans sa position de soumission, le comportement du codépendant lui donne un sentiment de contrôle. En se présentant comme le « sauveur » qui vient toujours à la rescousse, le codépendant espère prendre le dessus dans la relation.
Le codépendant ne se rend pas compte que s’il renvoyait le rôle de sauveur vers lui-même, il trouverait la clé pour mettre fin à sa codépendance. On y reviendra plus tard.
La danse relationnelle entre le codépendant et le narcissique
Une telle relation sans limites n’est pas viable. Le besoin de sécurité va de pair avec le besoin d’autonomie. Une personne a besoin de limites fermes pour savoir qui elle est et doit défendre l’intégrité de ces limites si elle veut avoir l’espace nécessaire pour grandir et se réaliser.
Or, le codépendant n’est pas équipé pour établir des limites saines. Quelque chose doit céder. Il en résulte une dynamique de poussée/traction, où une personne endosse le rôle évitant et l’autre le rôle anxieux/dépendant.
Pour se sentir en sécurité, l’un se tourne vers l’autre pour trouver l’amour. L’autre, se sentant envahi, se retire pour retrouver son sentiment d’autonomie. Celui qui s’est rapproché se sent alors rejeté et en insécurité, et redouble d’efforts pour combler son besoin, ce qui pousse l’autre à s’éloigner encore plus. Cela entraîne une immense souffrance, et la personne anxieuse finit par abandonner.
La personne évitante, qui ressent maintenant la douleur d’un vide amoureux, devient anxieuse et se rapproche, et le cycle continue. Ce jeu épuisant ne se résout jamais, car une personne ne se sent en sécurité que dans la proximité, et l’autre ne se sent vraiment en sécurité que dans l’autonomie.
Ce qui se cache derrière la danse relationnelle entre narcissique et codépendant
Dans cette danse codépendante, les partenaires peuvent passer du rôle anxieux au rôle évitant, ou parfois les rôles restent bien fixes. Les narcissiques restent généralement du côté évitant, tandis que leurs partenaires ont tendance à être anxieux.
Derrière la danse narcissique/codépendante se cache la peur de l’abandon et la peur d’être englouti.
La relation codépendante est donc un terrain classique pour les abus narcissiques, où le narcissique attire une personne ciblée avec une personnalité anxieuse. Les deux jouent des rôles qui trahissent leur vrai soi. Le faux soi du narcissique est grandiose, et le faux soi soumis du codépendant adore le faux soi du narcissique.
La dynamique de la relation codépendante/narcissique. À mesure que l’équilibre des pouvoirs se modifie, la personne évitante devient de plus en plus narcissique, grisée par le pouvoir qu’elle exerce sur son partenaire dépendant.
Une lutte pour le pouvoir
À cause de son besoin d’affection, une personne codépendante est tout de suite désavantagée dans l’équilibre des pouvoirs de la relation. Son partenaire est « le prix » et elle doit lutter pour l’obtenir.
La personne codépendante entre généralement dans une relation avec une faible estime d’elle-même, ce qui crée le besoin de faire ses preuves auprès de son partenaire « supérieur ». Cela fait pencher la balance du pouvoir en faveur du narcissique, ce qui lui permet de profiter de la personne codépendante désespérée et en manque d’affection.
Au fur et à mesure que ces deux personnes s’enfoncent dans leur relation, une hiérarchie naturelle s’installe. L’une a le dessus, l’autre est en position d’infériorité. Les narcissiques s’épanouissent naturellement dans un tel environnement, où le déséquilibre des pouvoirs leur donne facilement accès à un approvisionnement narcissique.
Pourtant, le partenaire codépendant n’est pas innocent dans tout ça. Le narcissique exerce un pouvoir ouvert et dur, tandis que le codépendant exerce un pouvoir caché et doux.
Le pouvoir doux du codépendant contre le pouvoir dur du narcissique
Le pouvoir doux, c’est quand on cherche à plaire aux autres, qu’on est soumis, charmant ou qu’on apaise l’autre, ce qui l’oblige à rester. Le pouvoir dur, c’est quand on donne des ordres à l’autre, qu’on crie, qu’on menace, qu’on ridiculise, qu’on fait honte, qu’on domine et qu’on contrôle directement l’autre.
En général, un narcissique va utiliser le pouvoir doux au début de sa relation avec un partenaire codépendant, puis revenir au pouvoir dur quand il se sent menacé ou sent que l’autre a suffisamment abaissé ses limites.
À un moment donné, le codépendant se sentira méprisé et bouleversé par l’utilisation constante du pouvoir dur et l’égoïsme du narcissique, et utilisera à son tour le pouvoir dur tout en menaçant de quitter la relation. Le narcissique sent la fin approcher et revient immédiatement au pouvoir doux. Une fois la relation rétablie et le codépendant apaisé, le narcissique redevient égoïste et dur. C’est ce qui est au cœur de la danse relationnelle entre le narcissique et le codépendant.
Dans le cas de relations à long terme, un style codépendant dominera généralement, surtout après une longue lutte de pouvoir, où la personne « dressée » perd sa volonté et finit par accepter son rôle, à moins qu’elle ne trouve une issue avant.
Quitter la danse relationnelle narcissique/codépendante
Pour mettre fin à la relation narcissique/codépendante et récupérer d’un abus narcissique, une personne codépendante a besoin de deux étapes simples mais bouleversantes :
- Se confronter à soi-même.
- Se confronter à la mort.
La codépendance signifie que tu tires ton sentiment de soi à travers une autre personne.
Tu n’existes pas sans le narcissique.
Tu ne vois même pas au-delà du narcissique. Sans une autre personne à qui donner ton énergie, tu tombes dans un gouffre sans fond. La terreur s’empare alors de toi, et tu t’accroches encore plus.
Dans un tel état, le narcissique n’a pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour te garder sous son emprise. Tu fais le plus gros du travail à sa place. Il lui suffit d’appuyer sur un bouton ici, de faire une remarque sarcastique là.
Depuis l’enfance, les codépendants ont perdu conscience de leur nature divine, de ce qui leur donne tout ce dont ils ont besoin pour une vie épanouie. Ce « soi » jaillit du vide. C’est en te laissant mourir à cette réalité que tu trouves la vie.
L’abîme est la source de tout, l’endroit où la sagesse, la force, l’amour et l’estime de soi jaillissent. Cependant, tu as toujours besoin d’un échafaudage, d’une structure pour que ces énergies puissent s’exprimer. C’est là qu’interviennent l’ego et le soi supérieur.
Créer une structure pour dépasser la codépendance
Pour plus de clarté :
L’ego : un représentant dans le monde, un modèle de qui tu es et de comment tu dois être dans la société. C’est ton juge intérieur, pour le meilleur ou pour le pire.
Le soi supérieur : une présence rassurante qui voit tout, sait tout et peut tout gérer. Un contenant et un guide pour mettre de l’ordre dans le chaos que tu ressens à l’intérieur.
Les personnes codépendantes ont un ego sous-développé et un sentiment faible de leur soi supérieur. Elles ont peu d’idée de qui elles sont et une capacité minimale à se diriger elles-mêmes. Depuis l’enfance, elles ont été fortement découragées de développer ces qualités par des figures dominantes et contrôlantes. Déléguer leurs structures ego et leur soi supérieur à d’autres est donc devenu naturel. On ne peut pas savoir ce qu’on manque si on ne l’a jamais eu.
Quand une personne codépendante se sent incertaine, elle demande à quelqu’un d’autre quoi faire. Quand elle a besoin d’être rassurée, elle se tourne immédiatement vers les autres. C’est ce qui alimente la relation narcissique/codépendante.
La personne codépendante ne se demande jamais : Qu’est-ce qui fait du narcissique l’autorité ultime ?
D’où cette personne tire-t-elle un tel don divin ? Et surtout, peut-elle développer ce don pour elle-même ?
Au-delà du narcissique se trouve le salut
Tout le monde a le potentiel de développer ses dons avec suffisamment de courage et de soutien, y compris les codépendants. Les narcissiques créent l’illusion d’être une autorité supérieure dotée d’un ego et de qualités de leadership ultimes. Ensuite, ils te convainquent que tu ne seras jamais cette personne, ce qui est un mensonge éhonté.
Avant de pouvoir développer ces deux éléments essentiels, tu dois être sur un terrain solide. Tu ne peux pas installer une ampoule en tombant dans un puits sans fond. Tu as besoin d’une plate-forme stable et d’une échelle.
Le paradoxe dans tout ça, c’est que l’abîme est un terrain solide. Lorsque le codépendant se concentre sur lui-même et se permet de tomber sans s’agripper, il se rend compte qu’il est toujours là. Tout va bien.
Dans sa chute, il est dans le flux de la vie. Dans l’abîme, il y a quelque chose de plus. Beaucoup plus. Dans la solitude, dans la nuit noire de l’âme, le codépendant finit par se sentir à l’aise avec le néant. C’est alors que le processus de développement de structures saines peut commencer. Ce n’est qu’alors que le pouvoir du narcissique s’estompe.
La fin de la codépendance et du narcissisme, le début de la vie
À moins d’arrêter de nous accrocher aux autres et d’affronter notre obscurité intérieure, on ne pourra jamais passer à l’étape suivante. On restera le jouet d’un narcissique.
Vaincs-toi toi-même, vaincs la mort, et tu gagneras une base solide. À partir de là, tu pourras te concentrer suffisamment longtemps pour comprendre ce dont tu as besoin.
Quand tu fais confiance au soi, l’échelle vers ton soi supérieur se développe naturellement. C’est la réalisation de soi.
C’est le vrai soi qui t’aide de l’intérieur, avec sa sagesse, sa force, son amour et sa grâce infinis. Quand tu n’es pas distrait par le besoin de plaire aux autres, quand tu es plus calme et plus concentré, tu peux enfin entendre ce que le soi essaie de te dire depuis toujours :
Tu es suffisant ; tu peux y arriver ; tu es infini.
Franchis cette première étape, et tu auras une chance de mettre fin à la danse relationnelle narcissique/codépendante et de récupérer de l’abus narcissique.
Le fait de tomber provoquera parfois des niveaux insensés de peur, de honte et de confusion. La chute est probablement l’entreprise la plus difficile que tu entreprendras jamais. Alors, obtiens tout le soutien dont tu as besoin. Des thérapeutes, des amis, un groupe aimant.
Cependant, si tu ne trouves pas le courage de te laisser tomber, tu ne progresseras jamais. C’est effrayant, c’est difficile, mais une fois que tu auras pris le coup, tu verras : c’est infiniment beau. De l’autre côté de la codépendance, une vie qui vaut la peine d’être vécue t’attend.