Approcher un narcissique, c’est bizarre. On se sent mal à l’aise et tendu. On se met sur la défensive. On se prépare à se battre. On veut prouver qu’on est à la hauteur. On veut se battre, ou être soumis et dévoré.
Impossible de se détendre en présence d’un narcissique. Son envie de prendre le dessus et sa soif d’approvisionnement narcissique sont insatiables. Dès qu’ils posent les yeux sur toi, jusqu’à la seconde où tu pars, ils sont fixés sur toi et avides.
Ceux qui ne connaissent pas l’art du narcissisme sont les proies les plus faciles. Ces personnes restent courtoises et polies, convaincues que quand quelqu’un te parle, tu l’écoutes. Les non-initiés adhèrent aussi à la règle d’or : traite les autres comme tu aimerais être traité. Ainsi, lorsqu’ils rencontrent un narcissique, ils supposent qu’ils parlent à quelqu’un qui s’intéresse à un échange équitable et mutuellement bénéfique. En peu de temps, le narcissique les rend dociles comme de bons petits chiots et les suce jusqu’à la moelle.
Ceux qui sont initiés savent mieux que quiconque. Ils retirent leur énergie de l’interaction, mettant ainsi immédiatement fin à l’approvisionnement narcissique. Si, toutefois, ils refusent de reculer, ils doivent se préparer à une bataille verbale. Il doit s’imposer dans la conversation, lutter contre les idées et les jugements du narcissique et, au final, « gagner » l’échange. Si tu fais preuve d’une résilience émotionnelle et d’un esprit suffisamment aiguisés, le narcissique se sentira « vaincu ». Bravo à toi.
Mais qu’en est-il de ceux qui connaissent un narcissique depuis des années ? Qui ont été soumis à des attaques constantes ? Quel est leur sort ?
Le plafond de verre de la valeur
Pour garder leur sentiment de supériorité sur les autres, les narcissiques utilisent différentes tactiques. Ils peuvent lever les yeux au ciel ou te lancer des regards condescendants. Ils se moquent de tes faiblesses perçues. Ils te posent des questions rhétoriques qui te mettent en mauvaise posture, comme « Pourquoi t’es-tu coiffé comme ça ? ». Si tu veux contribuer à des projets, le narcissique te dispute la décision finale. Il te comparera sans cesse défavorablement aux autres pour te rabaisser. Il peut aussi parler de toi à la troisième personne en ta présence, te présentant comme « l’objet de préoccupation ».
Ces tactiques érodent ton image de toi-même et ton estime de toi. Finalement, tu intériorises la honte qui en résulte et développes une identité d’infériorité, qui te place immédiatement en position de désavantage dans toute interaction avec le narcissique.
Un narcissique se gonfle en racontant des histoires, se présentant comme le héros, dépeignant une vie bien supérieure à la tienne. Il t’impose son point de vue et insiste sur ses solutions supérieures aux problèmes. Le narcissique s’assure que tu es d’accord avec tout ce qu’il dit et que tu coopères avec tout ce qu’il suggère de faire. Tu te retrouves sans cesse dans une position d’infériorité, tandis que la honte continue de grandir.
Si tu décides de ne pas être d’accord, de fixer des limites ou d’affirmer ton influence, tu te heurteras à de la résistance, à une agressivité accrue, à l’humiliation ou au silence. Le fait de devoir lutter pour chaque centimètre dans ta relation finit par être épuisant. La bataille constante ne semble plus en valoir la peine. Tu te ranges.
Ta perception de toi-même étant complètement corrompue, ton comportement commence à changer. À mesure que la honte s’accumule et que la rigidité impitoyable du narcissique domine ta vie, tu ressens le besoin de désamorcer la tension insupportable en devenant le bouffon de la cour.
En anticipant et en renforçant ton sentiment d’infériorité dans chaque interaction, tu constates que la relation se déroule plus facilement. Tu remarques également que le narcissique est de plus en plus satisfait et affectueux à ton égard lorsque tu te rabaisses.
Tu commences donc à révéler des informations embarrassantes sur toi-même. Tu bafouilles en présence du narcissique et tu remets en question à voix haute la « justesse » de ce que tu as l’intention de dire.
De son côté, le narcissique se délecte de ton autodérision et rit aux éclats lorsque tu expliques à quel point tu as été stupide d’oublier le sel en faisant les courses.
Pendant que vous cuisinez tous les deux et que le narcissique observe attentivement chacun de tes gestes, la carotte t’échappe des mains et tombe par terre. « Bon sang ! » s’écrie le narcissique en te demandant de lui passer le couteau. « Tiens, je vais le faire. »
Quand vient le moment d’ajouter les épices, ton esprit se vide et tu demandes l’avis du narcissique. Il te confirme volontiers avec un sourire satisfait.
Ces tentatives inconscientes d’autodépréciation contribuent à renforcer la grandiosité du narcissique tout en te maintenant à ta place, et donc dans ses bonnes grâces.
Dire ou ne pas dire
Si l’autodépréciation aide à rendre le narcissique heureux, tu constates que certains sujets et comportements ont l’effet inverse. Tes émotions négatives, par exemple, semblent déranger le narcissique. S’il te demande ce qui ne va pas et que tu admets te sentir triste ou en colère, il peut minimiser ton sentiment ou s’énerver et te dire de passer à autre chose. Si tu partages une réussite avec le narcissique, il peut à peine réagir ou changer de sujet pour parler de l’une de ses propres réussites, te coupant ainsi l’herbe sous le pied. Ces innombrables « micro-détournements » visent à empêcher le narcissique de ressentir ses propres émotions négatives tout en garantissant que tes besoins n’interfèrent jamais avec ta capacité à lui fournir un approvisionnement narcissique.
Du coup, tu te sens obligé de retenir ta « négativité » tout en faisant gaffe à ne pas éclipser le narcissique. L’autocensure des différents aspects de ton authenticité devient alors une seconde nature, car le narcissique les balayera au mieux, ou deviendra frustré et en colère au pire.
Et avec ça, tu en viens à te rabaisser ou à ignorer qui tu es vraiment, car tout ton monde tourne autour du faux soi grandiose du narcissique et de son besoin d’approvisionnement narcissique.
S’aimer et se révéler pour guérir
En prenant conscience de cette dynamique toxique et de sa source, tu peux modifier le terrain, permettant ainsi à ton vrai soi de respirer et de s’épanouir.
D’abord, fais gaffe à la façon dont tu te déprécie et essaie de la repérer avant de la mettre en pratique. Le fait d’en être conscient réduira son pouvoir au fil du temps. N’essaie pas de surpasser le narcissique ou de te gonfler à sa place. Observe simplement ton envie de te déprécier et reste aussi centré et conscient que possible.
Ensuite, arrête d’espérer que le narcissique fasse de la place à ta détresse ou encourage ta croissance et ta réussite. Trouve ailleurs des alliés qui verront, refléteront et soutiendront l’expression de ton authenticité.
Quant à la tendance du narcissique à dominer chaque interaction et à te vider de ton énergie, tu as deux options : te désengager et retirer tout investissement émotionnel, ou te préparer au combat.