Idéalisation, dévalorisation et écarter : le cercle vicieux du narcissique

Le « love bombing » du narcissique, c'est juste le début d'un monde de souffrance.

Écrit par JH Simon

Idéalisation, dévalorisation et écarter : le cercle vicieux du narcissique

Le cycle d’idéalisation, de dévalorisation et d’écartement de la personne ciblée par le narcissique est un truc super malveillant de l’abus narcissique. Ça laisse la personne ciblée confuse, abandonnée et avec un sentiment d’inutilité.

En y regardant de plus près, on se rend compte que ce comportement n’a rien à voir avec la personne ciblée, mais tout à voir avec la vision déformée du monde qu’a le narcissique. Pour mieux comprendre ce cycle, il est utile de commencer par comprendre l’esprit et l’histoire du narcissique.

Pourquoi les narcissiques idéalisent-ils, dévalorisent-ils et écartent-ils ?

Pour renforcer son sentiment de supériorité, le narcissique a besoin de recruter des personnes. Mais ce cercle est exclusif et soumis à deux conditions d’adhésion :

  1. Être disposé à fournir un approvisionnement narcissique.
  2. Prouver sa perfection.

Pour cette raison, toute personne avec laquelle le narcissique s’associe doit être utile et/ou de grande valeur.

Le pain quotidien du narcissique consiste à avoir un harem de sujets et d’admirateurs dans son panthéon psychologique de personnes ciblées. Si une personne cible est prête à lui offrir de l’attention, de la validation, du sexe, des ressources ou des services, alors le narcissique l’idéalise comme un sujet intéressant, tant qu’elle restera loyale.

Finalement, le narcissique peut se lasser de la personne ciblée, ou celle-ci peut ne pas tenir ses promesses initiales. La personne ciblée peut résister trop, faire des demandes ou, pire, offenser le narcissique. Dans d’autres cas, les défauts de la personne ciblée pèsent sur le narcissique et le forcent à ressentir de la honte. Dans tous ces cas, le narcissique recule et écarte rapidement la personne ciblée.

Il y a ensuite les cas exceptionnels. Ceux qui possèdent la beauté, la force, l’intelligence, le statut ou les compétences nécessaires pour être véritablement idéalisés. Le narcissique est immédiatement frappé par une personne d’une telle « grande valeur » et cherche à fusionner complètement avec elle. Cela semble logique quand on regarde les choses à travers le prisme du narcissisme. Si la personne qui entre en relation avec toi a une grande valeur, alors toi aussi, tu as une grande valeur par association.

En accaparant l’attention, les ressources, les services ou le statut des autres, le narcissique peut renforcer son sentiment de divinité. Le monde narcissique est un culte à lui seul, composé d’innombrables sujets et divinités. Le narcissique est soit l’objet d’une adoration, soit il rend l’adoration aux autres pour renforcer sa grandiosité. Le narcissique idéalise aussi les gens pour se sentir suffisamment en sécurité pour créer des liens. En imaginant qu’une personne est inconditionnellement loyale ou parfaite, il peut créer un lien avec quelqu’un qui ne le quittera jamais et ne le décevra jamais.

Mais cette religion corrompue n’est qu’un fantasme dans l’esprit du narcissique. Toute la vie du narcissique est consacrée à nourrir sa grandiosité. Il utilise de vraies personnes, exploite de vraies ressources, blesse de vrais sentiments et cause de vrais dommages, tout en se protégeant de la réalité intérieure, à savoir la haine de soi, la honte et la rage qu’il a intériorisées pendant son enfance.

Pris dans une boucle : la compulsion de répétition du narcissique

Dans une enfance « suffisamment bonne », l’enfant développe un attachement profond à sa mère, créant ainsi un « port d’attache » sûr dans son énergie nourricière. La mère est généreuse dans son accessibilité et sa chaleur, et permet à l’enfant de réguler son système nerveux et son sentiment de soi à travers elle. La mère voit l’enfant, l’accepte et se réjouit de sa présence.

Finalement, la curiosité de l’enfant grandit et il s’aventure dans le monde. Quand il commence à se sentir en insécurité, il retourne vers sa maman pour retrouver ce sentiment de sécurité. Au fil du temps, il oscille entre liberté et protection, faisant des allers-retours jusqu’à ce qu’il devienne un adulte indépendant et capable. C’est ce qu’on appelle le processus d’individuation.

La trahison originelle

L’enfant blessé n’a pas eu ce luxe. Il n’était pas vu ni accepté pour ce qu’il était vraiment, et sa mère ne se réjouissait pas de sa présence, sauf s’il répondait à ses attentes. L’enfant a poussé, essayé et coopéré pour gagner l’amour de sa mère, mais celui-ci n’est jamais venu.

Au fil des années, un sentiment de trahison et de rage a couvé sous la surface. La honte brûlait sous la peau de l’enfant, rejeté encore et encore. L’agonie de ne pas être vu ni accepté est devenue insupportable. L’enfant a été traumatisé et s’est psychologiquement séparé de sa mère. Ce fossé allait durer toute sa vie. Si personne ne voyait l’enfant pour ce qu’il valait, il allait se voir lui-même. Le narcissique était né.

À la recherche de la rédemption

Le traumatisme a un cycle de vie fascinant. Quand quelqu’un est submergé par une expérience négative et incapable de la gérer, il devient traumatisé. Qu’il s’agisse de peur, de honte ou de culpabilité, l’énergie des émotions tourbillonne à l’intérieur, restant coincée comme dans une cocotte-minute. L’« énergie » du traumatisme se déclenche alors de manière aléatoire et se manifeste dans la vie de la personne.

Le traumatisme est une expérience qui reste coincée dans les limbes. Un être humain ne peut résoudre le traumatisme initial que s’il peut prouver que la prochaine fois qu’un événement similaire se produira, il sera capable de le gérer. Par exemple, un enfant traumatisé par une catastrophe naturelle peut être encouragé à trembler et à courir. Ce faisant, il prend le contrôle de son traumatisme et peut alors le résoudre. En gros, l’impuissance engendre le traumatisme, le pouvoir le résout.

Dans le cas du narcissique, son traumatisme est basé sur sa relation initiale avec sa mère. Pour résoudre ce traumatisme, il a besoin de revivre toute l’expérience. Il recrute donc des personnes pour participer à un spectacle élaboré, sous le couvert d’une relation normale.

Le cycle « idéaliser, dévaloriser et écarter » n’a donc rien de personnel. Beaucoup de personnes ciblées sont choquées de découvrir ça. Elles ont été recrutées pour recréer le passé sous la forme d’un fantasme éblouissant.

Le mécanisme du cycle « idéaliser, dévaloriser et écarter » du narcissique

Le narcissique est sur un tapis roulant, fuyant sans cesse le traumatisme de son enfance. Sa seule solution est de créer un monde imaginaire, d’y recruter des personnes, puis d’idéaliser celles-ci.

L’idéalisation est un élément crucial, car si la personne est « parfaite », alors la relation a de grandes chances de réussir cette fois-ci. Durant l’enfance du narcissique, la mère n’a pas vu ou accepté le narcissique tel qu’il était. La personne « idéale », cependant, offrirait tout cela et plus encore.

La vérité n’est jamais loin, cependant, peu importe comment le narcissique se trompe lui-même et trompe les autres. Derrière sa façade, le narcissique cache un ego paranoïaque qui est toujours à l’affût de la trahison.

Si la personne ciblée s’écarte de son rôle dans le fantasme du narcissique, celui-ci l’ajoutera à sa liste noire. Les personnes ciblées peuvent agir de manière imprudente ou négligente et contrarier le narcissique. Elles peuvent l’offenser, parfois intentionnellement, car leur patience s’amenuise face à sa rigidité, son perfectionnisme et son caractère contrôlant. La personne ciblée peut tromper le narcissique, ou elle peut elle-même porter en elle une blessure qui la pousse à lui faire du mal de manière terrible. Dans de tels cas, le narcissique reçoit un choc électrique qui fait vaciller sa projection fantasmatique, laissant la réalité s’infiltrer.

Quand la réalité refait surface

Dans les cas extrêmes, comme la tromperie et d’autres formes de trahison, la grandiosité du narcissique est irrémédiablement blessée. Le narcissique réagit en décidant que la personne ciblée n’est plus utile ou parfaite, mais plutôt mauvaise, voire dégoûtante. Sous le monde imaginaire du narcissique se cachent une immense paranoïa, de la honte et de la colère.

Quand tu trahis ou déçois suffisamment le narcissique, son traumatisme profondément refoulé ressort et le submerge. Plutôt que de voir ça pour ce que c’est, le narcissique extériorise sa douleur et son malaise, et les dirige vers la personne ciblée, c’est-à-dire la personne horrible ou sans valeur. Le narcissique décide alors de écarter la personne ciblée, ce qui annonce la phase de dévalorisation. À partir de ce moment, le narcissique prépare le terrain pour se débarrasser de l’autre personne.

Pendant la phase de dévalorisation, le narcissique deviendra froid et méprisant, te jugeant, te critiquant, te faisant obstruction, t’attaquant ou te ridiculisant à volonté. Comme tu es toujours pris dans le fantasme, cette phase de dévalorisation sera un énorme choc. Tu seras abasourdi, humilié et malade. Dans certains cas, le narcissique peut simplement te ghost ou s’en aller sans un mot.

En écartant sa personne ciblée, le narcissique retrouve sa liberté. Dans sa réalité traumatisée et dissociée, c’est l’aboutissement du processus d’individuation initial qu’il n’a pas réussi à accomplir avec sa mère. En réalité, le narcissique a réalisé tout cela dans un fantasme. Rien de substantiel n’a changé chez le narcissique. Il revit le passé dans son esprit tout en entraînant une personne réelle avec lui avant de la rejeter.

Tous les narcissiques idéalisent-ils, dévalorisent-ils et écartent-ils ?

Quand ça l’arrange, le narcissique va toujours mettre fin au cycle en écartant la personne. Cependant, des pressions extérieures comme le mariage ou les finances peuvent maintenir le narcissique dans la relation bien plus longtemps qu’il ne le souhaiterait. Dans ce cas, la phase de dévaloriser va s’étirer sur plusieurs années, car la personne ciblée va mener une lutte pour apaiser le narcissique tout en lui fournissant son approvisionnement narcissique. C’est là que l’abus narcissique devient vraiment accablant.

Si la vie du narcissique est profondément liée à celle de la personne ciblée, il doit alors éloigner lentement la personne ciblée avant de la écarter. La personne ciblée, maintenant habituée à la chaleur de l’attention positive inconditionnelle du narcissique, panique et commence à se remettre en question pendant la phase de dévalorisation.

Pour regagner les faveurs du narcissique et revenir à la phase d’idéalisation, la personne ciblée redouble d’efforts pour l’apaiser. Son espoir est de se réhabiliter aux yeux du narcissique, et donc de réinjecter dans la relation la drogue de l’« idéalisation » initiale.

Pour la personne ciblée, créer des liens avec la personne de ses rêves est au début une expérience incroyable. Cependant, le traumatisme profond du narcissique reste sous-jacent. La personne ciblée oublie qu’avec le temps, tous les effets s’estompent et que les mauvais sentiments refont surface lorsque la réalité cruelle et glaciale s’impose, et que la vraie nature du narcissique se révèle à mesure que le cycle d’idéaliser, de dévaloriser et d’écarter atteint son paroxysme.

Le narcissique passe alors à autre chose, à la recherche d’une nouvelle personne avec laquelle répéter son drame, espérant inconsciemment que cette fois-ci, il réussira à résoudre son traumatisme et à achever son individuation.


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